Le rôle de l’angoisse dans la construction du soi et dans la dynamique familiale

Le rôle de l’angoisse dans la construction du soi et dans la dynamique familiale selon Murray Bowen

 

L’idée clé de M. Bowen est que la santé mentale de l’individu est liée au degré de différenciation qu’il est capable d’atteindre par rapport à sa propre famille. Le degré de la différenciation bas aurait tendance à se transmettre à la génération suivante.

 

La thérapie familiale de Bowen se réclame d’une théorie de la famille véritablement nouvelle. Il s’agit de la BFST: Bowen Family Systemes theory.

 

La BFST

La famille est une unité émotionnelle: le fonctionnement d’un membre influe sur le fonctionnement de l’autre

La famille est un système.

  • Le système est composé de sous-systèmes et dépend du fonctionnement des systèmes plus vastes dont il fait partie.
  • Les systèmes fonctionnent à tous les niveaux d’efficacité, du fonctionnement optimal au dysfonctionnement et à l’échec complet.

 

Les symptômes individuels ou relationnels ne peuvent pas être envisagés en dehors du fonctionnement de ce système qu’est la famille.

Le symptôme peut être regardé comme « l’expression des processus naturels de métabolisation »[1]. En cela le symptôme individuel ou relationnel s’apparente au symptôme somatique (fièvre) dans un organisme qui signale la présence d’une maladie tout en servant en même temps à lutter contre celle-là.

« Le symptôme, en ce sens, peut être tenu pour un marqueur des efforts que l’unité familiale accomplit spontanément pour restaurer sa viabilité »[2]

 

La ressemblance entre l’organisme et le système familial se prolonge au-delà de ces aspects fonctionnels. Pour Bowen, les symptômes « familiaux », tout comme symptômes physiologiques, sont les produits de l’évolution. Il s’agit de systèmes émotionnels qui nous ont été légués par le développement évolutionnaire et sont inscrits dans chaque organisme ou espèce.

Les systèmes émotionnels sont communs à tous les organismes vivants: de l’infusoire à l’homme.

Ils comprennent: les variations biochimiques au sein de la cellule, les interactions cellulaires, l’activité du système nerveux mais aussi les comportements de l’individu qui s’adapte à son environnement ainsi que les structures et les interactions au sein des groupes.

Les comportements et les séquences interactionnelles sont répétitifs.

Par conséquent, il y a une certaine prévisibilité.

 

Le système émotionnel humain est influencé par 2 variables principales: la différenciation et l’angoisse.

 

ANGOISSE

L’angoisse est la peur d’une menace réelle ou imaginaire

On peut en distinguer 2 types: angoisse aiguë (apparaît à la confrontation à une menace effective) et chronique, soit un état ou une condition organiques qui existent indépendamment de tout stimulus particulier; une sorte de réglage biologique qui induit une sensibilité, une réactivité et des réponses comportementales spécifiques).

 

L’angoisse chronique influe sur la perception et l’interprétation du monde.

Elle est susceptible de se transmettre d’une génération à l’autre. Elle s’apparente en cela à une programmation du système émotionnel.

 

Cette angoisse s’exprime essentiellement au sein de l’unité familiale. Inversement, le système familial véhicule cette angoisse à travers différentes manifestations: comportements, symptômes, postures relationnelles.

 

« Dans une même famille, chaque génération hérite donc du niveau d’angoisse chronique des générations précédentes, et l’intensification ou la réduction de ce seuil d’angoisse dépend autant des efforts des individus concernés que de l’ampleur des défis fonctionnels qui sont lancés à la famille ». Ex: angoisse de séparation

 

DIFFERENCIATION DE SOI

Bowen a élaboré une échelle de différenciation de soi: de 0 à 100, où 100 correspond à la maturité émotionnelle.

« Le degré de différenciation mesure pour moi le niveau de fusion ou de mélange qu’un soi atteint dans ses relations avec un autre soi ». Pour Bowen, il s’agit dans le cas où une telle fusion se produit d’unité émotionnelle familiale ou de masse moïque familiale indifférenciée.

En général, les personnes en bas de l’échelle sont plus vulnérables aux stress et plus prédisposées aux maladies physiques et mentales. Les personnes en haut de l’échelle sont plus solides et résistants.

 

Les familles sont, par conséquent, aussi plus ou moins matures.

En théorie, il peut y avoir un individu complétement mature qui forme « une unité émotionnelle complète » sans fusionner émotionnellement avec les autres moi.

 

La différenciation de soi s’enracine dans les relations primaires. Finalement, c’est l’immaturité des parents qui entravent la progression naturelle de l’enfant vers une différenciation totale.

Plus les parents dépendent de leur enfant pour compléter leur soi immature, plus l’enfant dépendra d’un autre pour se sentir complet. Le reste de l’attachement qui subsiste entre les parents et l’enfant: attachement émotionnel irrésolu.

 

Le niveau de différenciation de soi est inversement proportionnel au niveau de l’angoisse chronique.

La projection de cette angoisse au sein d’une fratrie peut être variable. Les enfants les plus exposés à l’angoisse parentale chronique vont présenter un niveau d’indifférenciation égal ou supérieur à celui des parents.

 

Les facteurs qui déterminent l’attachement résiduel aux parents:

  • Leur niveau de différenciation qui résulte de l’histoire familiale de chacun
  • Comment ils ont géré leur attachement dans le mariage
  • L’intensité de l’angoisse à laquelle la famille a été exposée aux moments clés de la vie et la façon dont elle a été gérée

 

L’attachement émotionnel irrésolu incite à la fusion. Par conséquent, plus son degré est élevé, plus l’individu aura besoin d’autrui.

 

La différenciation influe sur la capacité de distinguer entre les comportements automatiques qui relèvent du système émotionnel et ceux qui sont fondés sur le système intellectuel. Les deux systèmes sont utiles, donc les plus avantageux est de pouvoir passer d’un système à l’autre.

 

 

Le système émotionnel largement inconscient VS système intellectuel.

Plus le niveau de différenciation de soi est bas plus il est difficile de distinguer entre ces deux systèmes et d’ajuster son comportement ou de choisir un comportement adapté.

Niveau de différenciation 0 correspond l’incapacité totale de choisir entre un fonctionnement émotionnel et un fonctionnement intellectuel

Niveau de différenciation un peu plus élevé fait que l’individu se laisse guider par son instinct et son affectivité

Niveau de différenciation moyen fait que le raisonnement intellectuel est disponible en dehors des situations de stress intense.

Niveau élevé correspond à la capacité de penser dans tous les contextes

Niveau 100 représente la capacité illimitée de choisir son comportement. C’est un idéal qui, selon Bowen, n’est jamais atteint

 

 

Le niveau primaire de différenciation de soi est atteint dans les premières années de la vie

Le niveau fonctionnel peut être plus ou moins élevé que ce niveau de base car il varie en fonction des modifications qui surviennent dans le système relationnel

Dans la famille, il existe un lien entre l’émergence et le reflux du symptôme et les variations d’intensité de l’angoisse. Le symptôme permet en même temps de gérer ou contenir cette angoisse.

Les symptômes peuvent par ailleurs être émotionnels, physiologiques ou sociaux.

 

[1] Panorama des thérapies familiales, sous la direction de Mony Elkaïm, Paris, Le Seuil, Paris

[2] Idem